François GIR

 

 

Né à Paris le 13 mars 1920

Décédé à Pontoise (Val d’Oise) le 12 décembre 2003

 

 

François GIR

Souvenirs de Stéphan Guérard

 

Quel bonheur d’avoir connu François Gir! Ce pionnier de la télévision française (qui a collaboré à « Cinq colonnes à la une »), chevalier de la Légion d’honneur, chevalier de l’ordre du Mérite, fils de la comédienne Jeanne Fusier-Gir, est décédé en décembre 2003, à l’âge de 83 ans. Il a été marié pendant 18 ans avec la sœur de Louis de Funès, puis s’est remarié. Il n’a réalisé qu’un film pour le cinéma: « Mon pote le gitan » mais a surtout été un réalisateur de télévision. François Gir a également été l’assistant, « le bras droit » de Sacha Guitry, et a aussi travaillé avec Jean Cocteau ou encore Marcel Pagnol.

En février 2002, à Grisy-les-Plâtres (en région parisienne, là où il habitait), il m’a invité à dîner en toute simplicité et en tête à tête dans un restaurant chinois. Nous avons évoqué Sacha Guitry bien sûr, notamment le tournage de « La poison » (1951) avec Michel Simon, sur lequel il a beaucoup travaillé, car en effet Sacha Guitry était l’auteur et dirigeait ses comédiens, mais du point de vue « technique » c’est François Gir, qui pourtant très jeune, s’en occupait le plus souvent. J’aimais bien l’écouter.

avec François GIR en février 2002

 

Aussi, nous avons échangé quelques coups de fils et courriers. Voici quelques extraits de lettres qu’il m’a écrites et qui me vont droit au cœur: « (…) J’ai devant moi vos lettres, pleines de passions et d’admirations pour ce que vous trouvez dans la vie, chez les artistes et dans le spectacle. Il est très agréable de voir un jeune homme plein d’émerveillement et disponible à la joie de vivre. Sacha Guitry dont vous me parlez aimait la jeunesse et la respectait et pensait que trop souvent on la négligeait (…) ». Ou encore: « (…) J’ai reçu tous vos courriers chargés d’amitié et de fidélité. Je vous en remercie. (…) J’admire beaucoup les anges gardiens du souvenir comme vous. Sans eux les artistes que nous avons aimés et qui nous ont charmés disparaîtraient deux fois: une première fois par le destin, une seconde fois par notre ingratitude. Les acteurs seraient rapidement oubliés si des gentils cœurs comme le vôtre ne battaient pas pour eux en prolongeant le souvenir de leur musique et de leur émotion. Votre dynamisme, votre persévérance et votre enthousiasme auraient enchanté Louis (de Funès) dont l’esprit regorgeait de jeunesse et de fraîcheur naïve ». Et sur une photo qu’il m’a dédicacée: « Votre foi et votre enthousiasme protègent la mémoire. Merci ».

C’est grâce à sa mère, Jeanne Fusier- Gir, que François Gir a été l’assistant de Sacha Guitry. Jeanne Fusier-Gir, tout comme Pauline Carton, étaient les actrices fétiches de Sacha Guitry. Et c’est François Gir qui a présenté de Funès à Guitry. Ce dernier trouvait Louis de Funès épatant et après l’avoir fait tourner dans plusieurs de ses films, il l’engagea pour jouer au théâtre sa pièce: « Faisons un rêve » aux côtés de Danielle Darrieux et Robert Lamoureux. Pièce qui remporta un beau succès en partie grâce au génie de Louis de Funès. Sacha Guitry, décédé en 1957, lui prédira une belle carrière! Il ne s’était pas trompé.

J’ai parfois manqué de délicatesse envers François Gir en lui parlant toujours de son travail aux côtés de Sacha Guitry et il m’a écrit un jour ceci: « Ne pensez-pas que je ne sois pas très heureux d’avoir été l’assistant de Sacha Guitry et même son ami privilégié, mais je suis un peu gêné que vous usez très souvent de cette qualité, car j’ai aussi réalisé mon « ouvrage » personnel tout au long de ma vie, pour accomplir ma modeste destinée « d’artisan du spectacle » ». C’est vrai, mais comment ne pas évoquer cet homme que fut Sacha Guitry! Ce remarquable auteur, cet homme d’esprit, me passionne. Tous les fans de Guitry vous diront qu’entendre sa voix est émouvant et ses propos donnent au cœur toute son importante. Jean Cocteau a dit à la mort de Sacha Guitry: « Tendre et attentif, tel était le cœur de cet homme que l’on prétendait égoïste. Son message fut de charmer et de vaincre la difficulté de vivre. Il s’y employa jusqu’à la dernière minute avec héroïsme ». Ce que me confirma François Gir.

Lorsque j’ai appris la mort de François Gir, cela m’a fait quelque chose. Il a tellement été gentil et si généreux avec moi. Je lui dois aussi dans ma collection deux courriers originaux écrits par Louis de Funès qu’il m’a offerts et qui lui étaient adressés. Un beau cadeau! Dans une des lettres, datant du 2 juillet 1978, Louis de Funès écrit ceci: « Laurel et Hardy et tant d’autres grands m’ont inspiré et m’inspirent toujours (…). Je pense très souvent à Guitry, à Jeanne Fusier-Gir et à tant d’autres grands noms du comique qui se sont envolés sans nous laisser leur secret, et il est dur à trouver ». Quelle modestie de la part de Louis de Funès, champion incontesté du rire!

Je n’ai malheureusement pas pu aller à l’enterrement de François Gir, ni à l’hommage que la SCAM (dont il était l’un des plus anciens membres) lui a rendu en projetant son dernier documentaire: « La rencontre de deux extrêmes » (l’Alsace et la Bretagne). Mais j’ai bien sûr manifesté mon soutien chaleureux à son épouse Danielle, avec qui je suis toujours en contact, ainsi qu’à son fils adoptif Charles.

Merci de ne pas oublier François Gir qui mérite vraiment le titre de l’un des meilleurs « artisans » du cinéma français.

 

ã Stéphan GUERARD pour Les Gens du Cinéma (Mise à jour 21/01/2010)