François GIR
Souvenirs de Stéphan Guérard
Quel bonheur d’avoir connu François Gir! Ce pionnier de la télévision
française (qui a collaboré à « Cinq colonnes à la une »), chevalier
de la Légion d’honneur, chevalier de l’ordre du Mérite, fils de la comédienne
Jeanne Fusier-Gir, est décédé en décembre 2003, à l’âge de 83 ans. Il a été
marié pendant 18 ans avec la sœur de Louis de Funès, puis s’est remarié. Il n’a
réalisé qu’un film pour le cinéma: « Mon pote le gitan » mais a
surtout été un réalisateur de télévision. François Gir a également été
l’assistant, « le bras droit » de Sacha Guitry, et a aussi travaillé
avec Jean Cocteau ou encore Marcel Pagnol.
En février 2002, à Grisy-les-Plâtres (en région parisienne, là où il
habitait), il m’a invité à dîner en toute simplicité et en tête à tête dans un
restaurant chinois. Nous avons évoqué Sacha Guitry bien sûr, notamment le
tournage de « La poison » (1951) avec Michel Simon, sur lequel il a
beaucoup travaillé, car en effet Sacha Guitry était l’auteur et dirigeait ses
comédiens, mais du point de vue « technique » c’est François Gir, qui
pourtant très jeune, s’en occupait le plus souvent. J’aimais bien l’écouter.
Aussi, nous avons échangé quelques coups de fils et courriers. Voici
quelques extraits de lettres qu’il m’a écrites et qui me vont droit au cœur: « (…) J’ai devant moi vos
lettres, pleines de passions et d’admirations pour ce que vous trouvez dans la
vie, chez les artistes et dans le spectacle. Il est très agréable de voir un
jeune homme plein d’émerveillement et disponible à la joie de vivre. Sacha
Guitry dont vous me parlez aimait la jeunesse et la respectait et pensait que
trop souvent on la négligeait (…) ». Ou encore: « (…) J’ai reçu tous vos
courriers chargés d’amitié et de fidélité. Je vous en remercie. (…) J’admire
beaucoup les anges gardiens du souvenir comme vous. Sans eux les artistes que
nous avons aimés et qui nous ont charmés disparaîtraient deux fois: une
première fois par le destin, une seconde fois par notre ingratitude. Les
acteurs seraient rapidement oubliés si des gentils cœurs comme le vôtre ne
battaient pas pour eux en prolongeant le souvenir de leur musique et de leur
émotion. Votre dynamisme, votre persévérance et votre enthousiasme auraient
enchanté Louis (de Funès) dont l’esprit regorgeait de jeunesse et de fraîcheur
naïve ». Et sur une photo qu’il m’a dédicacée: « Votre foi et votre enthousiasme
protègent la mémoire. Merci ».
C’est grâce à sa mère, Jeanne Fusier- Gir, que François Gir a été
l’assistant de Sacha Guitry. Jeanne Fusier-Gir, tout comme Pauline Carton,
étaient les actrices fétiches de Sacha Guitry. Et c’est François Gir qui a
présenté de Funès à Guitry. Ce dernier trouvait Louis de Funès épatant et après
l’avoir fait tourner dans plusieurs de ses films, il l’engagea pour jouer au
théâtre sa pièce: « Faisons un rêve » aux côtés de Danielle Darrieux
et Robert Lamoureux. Pièce qui remporta un beau succès en partie grâce au génie
de Louis de Funès. Sacha Guitry, décédé en 1957, lui prédira une belle
carrière! Il ne s’était pas trompé.
J’ai parfois manqué de délicatesse envers François Gir en lui parlant
toujours de son travail aux côtés de Sacha Guitry et il m’a écrit un jour ceci:
« Ne pensez-pas que je
ne sois pas très heureux d’avoir été l’assistant de Sacha Guitry et même son
ami privilégié, mais je suis un peu gêné que vous usez très souvent de cette
qualité, car j’ai aussi réalisé mon « ouvrage » personnel tout au
long de ma vie, pour accomplir ma modeste destinée « d’artisan du
spectacle » ». C’est vrai, mais comment ne pas évoquer
cet homme que fut Sacha Guitry! Ce remarquable auteur, cet homme d’esprit, me
passionne. Tous les fans de Guitry vous diront qu’entendre sa voix est émouvant
et ses propos donnent au cœur toute son importante. Jean Cocteau a dit à la
mort de Sacha Guitry: « Tendre et attentif, tel était le cœur de cet homme
que l’on prétendait égoïste. Son message fut de charmer et de vaincre la difficulté
de vivre. Il s’y employa jusqu’à la dernière minute avec héroïsme ». Ce
que me confirma François Gir.
Lorsque j’ai appris la mort de François Gir, cela m’a fait quelque chose.
Il a tellement été gentil et si généreux avec moi. Je lui dois aussi dans ma
collection deux courriers originaux écrits par Louis de Funès qu’il m’a offerts
et qui lui étaient adressés. Un beau cadeau! Dans une des lettres, datant du 2
juillet 1978, Louis de Funès écrit ceci: « Laurel et Hardy et tant
d’autres grands m’ont inspiré et m’inspirent toujours (…). Je pense très
souvent à Guitry, à Jeanne Fusier-Gir et à tant d’autres grands noms du comique
qui se sont envolés sans nous laisser leur secret, et il est dur à
trouver ». Quelle modestie de la part de Louis de Funès, champion
incontesté du rire!
Je n’ai malheureusement pas pu aller à l’enterrement de François Gir, ni à
l’hommage que la SCAM (dont il était l’un des plus anciens membres) lui a rendu
en projetant son dernier documentaire: « La rencontre de deux
extrêmes » (l’Alsace et la Bretagne). Mais j’ai bien sûr manifesté mon
soutien chaleureux à son épouse Danielle, avec qui je suis toujours en contact,
ainsi qu’à son fils adoptif Charles.
Merci de ne pas oublier François Gir qui mérite vraiment le titre de l’un
des meilleurs « artisans » du cinéma français.
ã Stéphan GUERARD pour Les Gens du
Cinéma (Mise à jour 21/01/2010)